Traitement des traumatismes dentaires fondé sur des faits
Le Dental Trauma Guide
Une source de lignes directrices pour le traitement des traumatismes dentaires, fondé sur des faits
INTRODUCTION
Traumatologie dentaire, le problème des faits
Les cas des traumatismes dentaires entraînent souvent une série de traitements qui impliquent à la fois les dentistes généralistes et de nombreux spécialistes. Un traitement optimal s’appuie sur l’expertise d’un spectre large de spécialistes dentaires, tels que les chirurgiens stomatologistes et maxillo-facial, les dentistes pédiatriques, les endodontistes, les orthodontistes, les prosthodontistes et les parodontistes. Les soins urgents de base sont souvent apportés par le chirurgien stomatologiste et maxillo-facial ou le dentiste pédiatrique dans l’environnement d’un service d’urgence d’hôpital. Ensuite, le patient peut être recommandé à un dentiste généraliste ou à un endodontiste pour un niveau secondaire de soins tels qu’une gestion endodontique ou restaurative. Sinon, un dentiste généraliste voit le patient en premier et recommande le patient à un spécialiste. Plus tard, l’orthodontiste, le prosthodontiste et le parodontiste peuvent être impliqués pour effectuer des traitements additionnels. La longue chaîne de recommandations qui a fréquemment lieu dans les cas de traumatismes dentaires signifie que le contrôle global de la qualité du traitement est souvent perdu. Les activités de recherche dans la traumatologie clinique ont été extrêmement rares, et à certains égards, la traumatologie dentaire est devenue le parent pauvre de la dentisterie. La traumatologie dentaire s’appuie sur des connaissances issues de recherches effectuées par diverses spécialités. Pour cette raison, une communication interdisciplinaire qui transcende les frontières des spécialités est vitale. À la fin du siècle dernier, l’intérêt croissant parmi toutes les disciplines dentaires à analyser la validité des principes de traitement existant a conduit à reconnaître que la dentisterie fondée sur des faits (DFF) avec l’essai clinique randomisé (ECR) en tant que référence absolue est la voie de l’avenir. Dans la fameuse pyramide “Niveau de preuve”, la plupart des études en traumatologie dentaire appartiennent aux niveaux les plus bas. Seules quelques ECR cliniques ont été publiées, et la perspective de voir d’autres ECR apparaître est faible.
Qu’est-ce qui explique ce problème ?
D’une part, la responsabilité partagée entre les diverses spécialités dentaires rend la recherche en traumatologie dentaire compliquée à organiser et à évaluer. D’autre part, les problèmes éthiques associés à l’obtention d’un consentement éclairé de la part d’un enfant blessé ou d’un adulte afin de participer à un ECR sont inévitables. Des arguments raisonnables pour effectuer les expériences malgré ces problèmes sont rarement présents. Cet obstacle est presque prohibitif pour la plupart des ECR traitant de traitement de lésions dentaires traumatiques aiguës.
Quelles sont les alternatives ?
Les modèles animaux sont souvent la meilleure alternative. Ils permettent aux chercheurs de contrôler les paramètres pouvant influencer les résultats de l’expérience d’une façon qui n’est pas réalisable dans les études humaines car les lésions peuvent être infligées par l’examinateur de façon contrôlée. Les lignes directrices de traitement actuelles témoignent de la valeur des expériences animales car elles dépendent largement des informations obtenues à partir d’études faites sur les animaux.
Les expériences faites sur les animaux sont-elles fiables ?
Cette question a été examinée avec soin, et les expériences sur les singes semblent avoir démontré une degré élevé de fiabilité, tandis que l’utilisation de chiens semble souvent fournir des résultats trop optimistes quant à la guérison de la pulpe. Les études sur les rats semblent montrer une variation significative quant à la guérison du ligament parodontal (LPD), avec la probabilité d’une ankylose transitoire qui rend ce modèle peu fiable dans les études des traumatismes dentaires affectant le LPD. Pour cette raison, les observations principales résultant d’études expérimentales devraient idéalement être confirmées par des études cliniques.
Les études cliniques humaines non-randomisées sont-elles une approche valide pour évaluer l’impact des traitements des traumatismes dentaires ?
Si des modèles statistiques corrects sont utilisés, et si des groupes, montrant des caractéristiques similaires avant la lésion et pendant la lésion, peuvent être isolés et comparés, alors il est possible de limiter la quantité d’interférence causée par les facteurs de confusion. Les résultats doivent toutefois être évalués avec une certaine dose de réserve, le risque d’interférence par des facteurs de confusion ne pouvant jamais être éliminé avec certitude. Jusqu’à présent, ce type d’analyse a offert des renseignements utiles concernant l’impact de diverses procédures de traitement, telles que le repositionnement, le type et la durée de pose de l’attelle et l’utilisation d’antibiotiques. Les ECR ne sont pas toujours faciles à organiser en traumatologie, notamment dans les situations d’urgence. Toutefois, lors de situations de traitement ultérieures, quand divers traitements ou médicaments peuvent être appliqués, la randomisation est possible.
À quel point les lacunes de nos connaissances doivent être importantes pour avoir les bases scientifiques nécessaires permettant d’offrir des traitements fondés sur les faits pour tous les types de traumatismes dentaires ?
Pour répondre à cette question, concentrons-nous tout d’abord sur l’indicateur le plus fort du succès/de l’échec d’une guérison à un traumatisme, à savoir le type de trauma. Les traumatismes dentaires peuvent être divisés en 8 entités de fracture et 6 entités de luxation. Les combinaisons de lésions dans lesquelles une luxation et une fracture se sont toutes les deux produites sont malheureusement fréquentes, générant 48 combinaisons devant être considérées en tant que 48 scénarios distincts de guérison. La complexité est encore augmentée par le fait que les traumatismes aux dents primaires et permanentes doivent être traités comme des entités séparées. Ce qui nous donne 96 événements de traumatismes distincts ! Un seul mot qualifie le traitement des lésions traumatiques dentaires dans le monde : CHAOS. Plusieurs indicateurs de guérison pulpaire et parodontale ont été identifiés pour les entités de traumatismes individuelles, certains reflètent la sévérité et la nature du trauma infligé, d’autres décrivent les caractéristiques du patient, et d’autres reflètent l’influence du choix du traitement. L’indicateur le plus puissant semble être le type de trauma. Le stade de développement radiculaire semble être un indicateur puissant de résultats pour tous les types de traumatismes dentaires, et il affecte à la fois la guérison pulpaire et celle du parodontal. Ce n’est pas surprenant étant donné qu’un bon approvisionnement sanguin est essentiel pour la guérison pulpaire, et la taille du foramen apical est donc directement liée à la revascularisation potentielle de la dent affectée. Le choix du traitement offert a un impact direct sur les résultats de la guérison des lésions par luxation, pour lesquelles de nombreuses options de traitement existent souvent, telles que ± de repositionnement, ± d’attelle et ± d’antibiotiques. Pour le traitement des fractures coronaires avec exposition de la dentine et/ou de la pulpe, la quantité de recherche nécessaire avant de pouvoir couvrir toutes les réponses fiables à tous les traitements possibles semble considérable. Pour les fractures corono-radiculaires , il existe plusieurs options de traitement et une recherche approfondie est nécessaire avant d’établir des réponses fiables quant à l’option de traitement la meilleure possible. La multitude de scénarios possibles et la grande variété d’options de traitement compliquent la tâche des profanes et des praticiens de fournir un traitement fondé sur des faits et de recommander le meilleur choix de traitement possible au patient. Ceci à l’esprit, il n’est pas surprenant que la grande majorité des traitements de traumatismes dentaires dans le monde sont loin d’être idéaux. Des études menées dans de nombreux pays dans le monde, tels que l’Angleterre, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Tanzanie, le Brésil, la Suisse, la Suède, la Turquie, le Koweït, la Malaisie, l’Inde, le Japon, la Chine, le Nigeria et le Chili ont montré que les connaissances des traitements adéquats pour les dents souffrant de traumatismes sont déficientes, impliquant que pas moins de la moitié des traitements offerts sont soit inutiles soit directement nuisibles au patient. Le Dental Trauma Guide est une tentative pour élever cette situation regrettable en rendant les connaissances actuelles en traumatologie dentaire facilement accessibles sur internet. Pendant 40 ans, des dossiers de patient ont été recueillis à l’Hôpital Universitaire de Copenhague, créant les renseignements contenus dans la base de données détaillée utilisée pour développer le Dental Trauma Guide , la sélection des traitements et l’estimation de pronostic. Depuis 1965, une documentation normalisée sur les effets à long-terme des traitements de traumatismes a été recueillie, et ce matériel (4000 cas), ainsi que les résultats de 80 études cliniques et 65 études expérimentales faites sur des animaux utilisant des singes, forment à présent la base scientifique du Dental Trauma Guide . Des efforts ont été faits pour rendre les informations disponibles dans un format structuré et facile à utiliser afin de permettre au praticien de développer un diagnostic correct, un programme de traitement et un programme de suivi, et d’identifier une estimation des risques de complications de guérison.
Arriver au diagnostic correct
Comme précédemment mentionné, une dent souffrant d’un traumatisme peut avoir l’une des 96 conditions de traumatisme. Le choix de traitement correct dépend bien évidemment de la capacité du praticien à faire le diagnostic correct. À cet égard, le Dental Trauma Guide suivra la classification internationale de l’OMS. Pour aider les nouveaux-venus dans la traumatologie dentaire, un outil d’identification du traumatisme est incorporé dans le site internet pour guider le praticien, au moyen d’une série de questions par ‘oui’ ou par ‘non’ qui le feront arriver à un diagnostic correct. Il est très important d’enregistrer les lésions d’une façon normalisée. La classification par Andreasen est recommandée car elle est étroitement liée au traitement. Le Dental Trauma Guide permet au clinicien de trouver toutes les informations pour pouvoir diagnostiquer et faire la classification TDI. L’Index de traumatologie dentaire Eden-Baysal est un nouvel index basé sur 5 caractères qui comprend toutes les informations importantes pouvant être facilement informatisées. Cet index et une image schématique illustrant les lésions aideront les cliniciens dans le monde, même ceux bénéficiant d’une expérience limitée dans les traumas, à enregistrer le TDI avec précision dans une situation d’urgence. Cet index permet d’enregistrer les combinaisons de lésions en même temps (index Eden Baysal). Un enregistrement normalisé permettra de comparer les données et les résultats de divers centres mondiaux et d’obtenir davantage de matériels. Une incisive centrale gauche avec luxation extrusive peut être décrite avec le code à 5 caractères : (21)00Ei- Incisive latérale droite avec fracture corono-radiculaire et exposition pulpaire et développement radiculaire immature : (12)50Ni- Une incisive centrale gauche avec fracture radiculaire et exposition pulpaire et une luxation latérale avec fracture du processus alvéolaire aura le code : (11)30Lm+ Une incisive latérale avec fracture coronaire dans la dentine sans exposition pulpaire et une fracture radiculaire dans le tiers apical de la racine avec apex mature : (12)21Nm-
Sélection des traitements pouvant optimiser la guérison pulpaire et parodontal
Un paradoxe en traumatologie dentaire est que presque toutes les procédures de traitement infligent un nouvel élément traumatique lorsqu’elles sont appliquées, il est donc traumatogène. Parmi d’autres, le repositionnement d’une dent déplacée, manuellement ou avec des forceps, endommagera ou détruira des milliers, voire des millions de cellules LPD. La pose de nombreux types d’attelles, notamment les barres dentaire qui permettent d’attacher des dents lâches à une barre avec des câbles, créera de larges zones de compression dans le LPD du fait du resserrement des câbles en acier et établira des voies d’invasion pour les bactéries le long des câbles placés sous la gencive. Une couverture insuffisante de la dentine et de la pulpe exposées peut conduire à des micro fuites et à la formation de colonies bactériennes anaérobiques, qui peuvent sérieusement endommager la pulpe. La sélection adéquate du traitement, qui implique parfois un traitement minimal ou aucun traitement, est donc cruciale. Dans le Dental Trauma Guide, les approches de traitement sont présentées en fonction des lignes directrices actuelles de l’International Association of Dental Traumatology. Ces lignes directrices sont développées par des spécialistes internationaux en traumatologie dentaire et fondées sur des faits et les meilleures pratiques cliniques.
Suivi des régimes des patients souffrant de traumatismes dentaires
Un programme de suivi optimal vise à choisir des moments précis où les chances de diagnostiquer des complications de guérison sont les plus importantes. Bien évidemment, le coût et la disponibilité du patient et du praticien doivent être pris en compte lors de l’élaboration d’un système de contrôle efficace et rentable. Le programme de suivi suggéré pour un trauma donné est fondé sur une série d’études cliniques dont l’analyse de survie a documenté la période la plus optimale pour diagnostiquer des complications de guérison pulpaire et parodontale.
Description et diagnostic des complications de guérison
Dans le Dental Trauma Guide , la terminologie des complications de guérison est fondée sur l’édition 2020 du Textbook and Color Atlas of Traumatic Dental Injuries d’Andreasen et al. En ce qui concerne la guérison pulpaire, les description suivantes sont utilisées :
- Nécrose pulpaire (stérile ou infectée)
- Oblitération canalaire pulpaire (partielle ou totale)
En ce qui concerne la guérison du LPD, les complications de guérison suivantes sont décrites :
- Résorption externe liée à la réparation (résorption de la surface externe)
- Résorption externe liée à l’ankylose (résorption de remplacement osseuse)
- Résorption externe liée à l’infection (résorption inflammatoire)
Concernant le parodonte marginal, la complication de guérison suivante est décrite :
- Perte traumatique de l’os marginal
Enfin, la complication probablement la plus essentielle est la perte de dent généralement causée par les complications de guérison mentionnées ci-dessus.
Prédiction des complications de guérison
Plusieurs études cliniques ont été menées pour identifier les indicateurs de guérison/de non guérison des diverses entités de traumatisme. Jusqu’à présent, ces études ont identifié 15 indicateurs, qui ont été fortement liés à l’apparition des complications de guérison. Certains de ces facteurs ont démontré leur puissance (type et étendue de la lésion et stade de développement radiculaire), tandis que d’autres ont seulement une influence mineure (traitement). L’identification de ces facteurs est généralement fondée sur des analyses statistiques multivariées, dont l’analyse de régression est le principal outil. Dans une certaine mesure, l’influence de ces indicateurs sur la guérison pulpaire et parodontale peut être vérifiée par les résultats trouvés lors des expériences faites avec les singes. L’un des objectifs du Dental Trauma Guide est de donner au praticien dentaire un outil qui lui permet de développer un profil de risque basé sur les indicateurs les plus importants pour un patient donné avec une entité traumatique donnée. À l’heure actuelle, les archives des traumatismes de l’Hôpital Universitaire contiennent 40 000 dossiers de traumatismes de patients, tous comprenant la documentation clinique standardisée, radiographique et photographique du type et de l’étendue de la lésion, y compris des lésions des tissus mous associées ainsi que les renseignements au sujet du traitement apporté. Environ 10%, ou 4 000 patients, ont été suivis sur le long-terme pendant 1 à 10 ans et ces patients constituent le cœur de la base de données des traumatismes. Ces traumatismes sont en grande partie représentatifs des 96 scénarios de traumatismes différents (voir plus haut). La base de données est sans cesse enrichie par de nouveaux cas de traumatismes évalués par la clinique des traumatismes du Dental Trauma Guide.
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